Pour une VIè République polyparlementaire
Pourquoi notre Vè République ne fonctionne plus
La Vè République est faite pour une alternance entre deux grands partis de gouvernement. Or l'échiquier politique français est devenu tripolaire. La Vè République n'est pas conçue pour gérer ce cas de figure.
L'un des problèmes de la Vè République, c'est l'élection Présidentielle. L'élection Présidentielle favorise les guerres d'ego, empêche la formation de coalitions et conduit à des votes par rejet plutôt qu'à des votes d'adhésion, ce qui conduit in fine à l'insatisfaction des électeurs. Aucun homme ou femme politique aujourd’hui, dans le contexte d’hyper-information dans lequel nous vivons, ne peut mener de reformes ambitieuse sans se mettre à dos au moins une partie de l’opinion sur une partie de son programme, ce qui entrave sa capacité d’action sur tous les domaines. La Vè république est conçue pour un Président charismatique au-dessus de la politique politicienne. Mais les différentes réformes de la constitution ont transformé la fonction présidentielle en fonction de chef de gouvernement qui concentre, au moins dans l’esprit des français, toutes les responsabilités et donc toutes les critiques. Il faut donc tuer le mythe de l'homme providentiel en supprimant l'élection présidentielle.
L'autre problème de la Vè République, c'est la prise de pouvoir par les juges, notamment ceux du conseil constitutionnel, au détriment des élus. En censurant méthodiquement des réformes sur la sécurité, la justice et l'immigration demandées par une majorité écrasante de français, le conseil constitutionnel surpasse ses pouvoirs et nie la démocratie, participant ainsi activant à la crise de confiance des français envers la classe politique.
Notre système favorise l’alternance et donc les changements de cap permanents, rendant difficile voire impossible toute politique de long terme. Notre pays doit prendre des décisions cruciales sur tout un tas de sujets. Nous ne pouvons pas nous permettre de n’en traiter qu’une partie et de continuer à ignorer certains thèmes pour éviter de multiplier les fronts. Nous ne pouvons plus non plus nous permettre de changer de cap tous les cinq ans.
En parallèle, certains sujets, pourtant fondamentaux, ne sont quasiment jamais débatus car les autres sujets seront toujours plus prioritaires à court terme. C'est le cas notamment de l'éducation qui est un angle mort de nos politiques depuis des années alors que c'est l'investissement de la nation le plus fondamental à long terme.
Pour une VIè Republique polyparlementaire
La solution, c'est un nouveau système. Au lieu d’élire un homme ou une femme, votons pour des idées. Au lieu de choisir le moins pire, choisissons les meilleurs. Acceptons que nos politiques ne soient pas experts de tous les sujets à la fois.
Voici donc le concept d'une VIè République fondée sur le concept inédit de découper le pouvoir par thèmes. Il s’agit d’un régime que l’on pourrait qualifier de « polyparlementaire ». Le pouvoir serait découpé en 4 grands pôles cohérents et pensés pour être indépendants :
- Grand ministère de l’économie, de l’aménagement du territoire, des finances, de la défense et des affaires internationales
- Petit ministère de l’intérieur et de la justice
- Petit ministère de l’éducation, de l’enseignement supérieur et de la culture
- Petit ministère de la santé
Chaque pôle serait composé d’une assemblée législative, constituée d’un faible nombre de députés, par exemple 100 par assemblée, élus au suffrage direct proportionnel national pour 6 ans (sur le même principe que les listes aux élections municipales), ainsi que d’un ministre élu au suffrage indirect par les députés. Les renouvellements de chaque assemblée auraient lieu en décalé à raison d’une élection tous les 18 mois pour garantir un temps de débat de qualité dédié à chaque sujet.
Le ministre du pôle économie, finances et affaires internationales représenterait la France à l’étranger. Il serait chef des armées et déciderait des interventions militaires. Il aurait donc le rôle de « premier ministre ». Le rôle de président quant à lui n’existerait plus. Le premier ministre serait nommé pour 6 ans et ne serait pas révocable afin de lui garantir la stabilité et la capacité d'agir rapidement nécessaires à la crédibilité de la France à l'étranger.
Demander la volonté des français par thèmes permettrait de réparer la confiance entre les français et leurs dirigeants en instaurant une vraie représentativité sans tomber dans la difficulté des référendums multiples ou des votations suisses.
Ce découpage résoudrait le problème de la tripartition actuelle de l'Assemblée Nationale. Il est probable que sur chaque thème nous retrouvions principalement deux blocs forts qui ne seraient d'ailleurs pas nécessairement la droite et la gauche traditionnelles.
Avec des assemblées thématiques, nous élirions naturellement des députés plus experts. Nous pourrions les élire proportionnellement au vote des français sans que cela ne nuise à la capacité de créer des majorités car sur des thèmes précis, il est plus facile de trouver des terrains d'entente et de créer des coalitions.
Évidemment, il ne s'agit pas de proposer quatre gouvernements isolés travaillant sans se parler. La configuration proposée forcera les gouvernements des quatre pôles à se parler et à collaborer.
Indépendance budgétaire
En plus de l'indépendance législative de chaque pôle, il faut mettre en place les conditions de leur indépendance budgétaire. Chacun de ces pôles choisirait donc son budget en autonomie, sans possibilité d'ingérance des autres pôles. Les trois petits ministères auraient l'obligation d'avoir des budgets à l'équilibre ou en excédant. Par défaut, tous les impôts demandés par eux seraient répartis de façon égale entre tous les français sans qu'ils puissent choisir les modalités de leur répartition. C'est le grand ministère de l'économie qui serait chargé de répartir les impôts entre les français, de lever les impôts, et d'en définir les formes.
Le ministère de l’économie décidant seul de la répartition de l’impôt, il serait le seul à pouvoir décider des modalités de la redistribution sociale. Son objectif serait principalement d’agir sur le pouvoir d’achat des français, sans que cela ne nuise aux autres objectifs des petits ministères, par ailleurs tout aussi légitimes que lui.
L’intérêt de ce système est de rendre très visible pour les français l'équilibre entre les résultats obtenus et les dépenses nécessaires pour y parvenir et donc de favoriser l'évaluation de nos politiques sur l'efficacité de leurs politiques.
En effet, les projets des formations politiques et les bilans des dirigeants sur chaque pôle seraient inévitablement comparés aux résultats obtenus dans d'autres pays, ce qui est extrêmement sain et nous encouragerait à faire mieux pour moins cher.
Par ailleurs, il est raisonnable d'estimer que l'opinion des français sera plus stable sur des sujets précis, ce qui permettrait de mettre en place des politiques plus long-termes et de remplacer une partie des débats idéologiques par des débats d'efficacité de la dépense publique. Il serait enfin possible dans une campagne d'élection de défendre un discours de baisse de dépense avec maintien des objectifs déjà atteints là où les élections actuelles ne sont que d'éternelles promesses de changement.
Enfin, compte-tenue de l'impossibilité de proposer des économies "ailleurs" à cause de l'indépendance des pôles, un discours maximaliste nécessitant des moyens immenses serait plus difficile à faire accepter par les français.
Gestion des couplages
Dans le cas où une proposition de lois concernerait plusieurs pôles, les députés de tous les pôles concernés se réuniraient en congrès pour voter. Une commission constitutionnelle, dont les membres seraient nommés à l'unanimité des quatre ministres, serait chargée d’interpréter la constitution pour définir les pôles concernés par une proposition de loi ou article de loi en cas de désaccord.
Comme souvent, pour résoudre des problèmes complexes, il faut séparer les variables et isoler les sujets. On entend parfois des commentateurs ou des élus dire que « tout est lié » et qu’« il faut un plan d’ensemble ». Cela peut sembler intuitif, et c’est vrai dans une certaine mesure, mais c’est aussi la meilleure façon de ne pas avancer et d’aboutir à des réformes qui ne changent rien. Beaucoup de sujets sont en réalité indépendants et peuvent être traités séparément.
Mais surtout, ce système dénoue complètement le problème du courage en politique. En découpant le pouvoir par thème, on donne une bien plus grande légitimité à chaque ministre pour réaliser des réformes ambitieuses et long-termistes.
Conclusion
Ce système inédit pourrait permettre de voir enfin hémerger des politiques à long-terme sur les sujets les plus fondamentaux, d'avoir des débats plus poussés et plus experts. Il permettrait de limiter l'alternance perpétuelle, de forcer la collaboration entre nos responsables politiques, de favoriser les coalitions si nécessaire, et de responsabiliser nos dirigeants sur le coût de leurs politiques. Il permettrait surtout de diminuer l'éternelle insatisfaction des français vis-à-vis de leurs dirigeants en exprimant plus finement la volonté populaire.